Le pouvoir royal chrétien éthiopien a produit, entre le xie et le milieu du xxe siècle, nombre de documents écrits témoignant de donations de terre et de transferts de privilèges accordés aux institutions religieuses et aux grands du royaume. Bien que seule émettrice d’actes écrits, l’autorité royale a manifesté peu d’intérêt pour le devenir de ces documents : elle ne les a pas conservés, ne les dotait d’aucune marque externe de validation et acceptait relativement facilement qu’ils soient modifiés. Ce paradoxe se résout après une étude approfondie des pratiques qui permirent la production, puis la conservation de cette documentation. Ainsi, le pouvoir royal mettait en place des comités ad hoc qui se déplaçaient dans les provinces afin d’y faire promulguer les actes, ou émettait ceux-ci depuis le camp royal pour les dépêcher ensuite vers les institutions concernées. La mise par écrit et l’archivage étaient délégués aux institutions religieuses, qu’elles soient bénéficiaires directes des actes ou qu’elles fonctionnent comme des centres administratifs régionaux. Il est encore difficile de percevoir des scansions chronologiques dans ces processus. Néanmoins, un changement radical s’opère à partir de la décennie 1720 : les personnes privées s’arrogent le droit de faire écrire en langue vernaculaire leurs transferts de droits. La stabilité de la société gondarienne et la professionnalisation des scribes dans les églises ont permis à ces derniers de devenir les notaires de leurs communautés tout en servant les intérêts de la petite noblesse. La bureaucratie éthiopienne échappe au monopole du pouvoir souverain pour servir la communauté des propriétaires fonciers.